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Exposition passée

De Jasper Johns à Jeff Koons : Quatre décennies d’art des collections Broad

15.02.2003 - 07.09.2003

À propos de ce qui l'a motivé à acheter les premières oeuvres d'art, Eli Broad a déclaré : « Je suis d'accord avec la théorie qui veut que les grandes collections se font pendant que l'art est contemporain : il est impossible de revenir en arrière pour créer une grande collection d'impressionnisme et de post-impressionnisme actuellement ». À partir de cette prémisse assumée dans les années soixante-dix, Eli et Edythe Broad ont réuni à Los Angeles l'une des meilleures collections d'artistes consacrés et émergents des États-Unis. En 1984, ils fondent l'institution The Broad Art Foundation afin de prêter leurs œuvres aux musées et aux universités et permettre ainsi à leurs collections d'art contemporain de toucher un plus large public.

Actuellement, les fonds de cette fondation et ceux des Broad regroupent plus de mille créations de plus de 150 artistes. Avec des exemplaires des divers styles artistiques qui ont surgi depuis la IIe Guerre Mondiale, les collections Broad se centrent sur des œuvres à caractère représentatif et sur des pièces qui mettent l'accent sur la thématique sociale. Les Broad, qui maintiennent des liens étroits avec des institutions philantropiques, ont fondé en 1999 The Broad Foundation, qui se consacre à améliorer l'éducation publique dans les zones urbaines des États-Unis.


Organisée par le Los Angeles County Museum of Art, De Jasper Johns à Jeff Koons : quatre décennies d'art des collections Broad présente une sélection d'environ cent vingt œuvres de vingt artistes clés tels que John Baldessari, Anselm Kiefer, Roy Lichtenstein, Ed Ruscha, Cindy Sherman et Andy Warhol. Globalement, l'exposition illustre les grandes tendances artistiques de la seconde moitié du XXe siècle. Un des points forts des collections Broad est constitué par les fonds d'art américain des années 1980, que l'exposition explore à la lumière des manifestations artistiques antérieures tout en soulignant l'importance de ces œuvres dans le contexte actuel.

L'exposition débute salle 305 par un dialogue artistique qui évoque l'émotif expressionnisme abstrait qui régnait sur la scène artistique new-yorkaise dans les années cinquante. Jasper Johns et Cy Twombly, qui étaient de grands amis, ont utilisé un style de peinture expressive tout en centrant leur attention sur des thèmes tirés de l'environnement physique immédiat et non sur les qualités de la peinture. Le tableau de Johns Drapeau (Flag), qui reproduit l'image du drapeau américain à l'aide d'un collage de matériaux, manifeste l'intérêt de l'artiste pour le brouillage des limites entre l'art et la vie. Pour sa part, Twombly emploie des éléments figuratifs simplifiés et des marques à la façon de graffiti qui semblent rappeler l'Histoire Ancienne. En incorporant des objets trouvés et des formes quotidiennes, les deux artistes ont jeté les bases du Pop Art, autre point fort des collections Broad avec ses pièces de Lichtenstein, Ruscha et Warhol.

Le Pop Art surgit à la fin des années cinquante en s'emparant de l'iconographie omniprésente de la culture populaire et des techniques d'impression commerciale. Les Broad possèdent plus de vingt-cinq pièces de Lichtenstein et cette exposition couvre toutes les étapes de sa carrière. Ses premières peintures, comme Je. . . je suis désolé (I . . . I'm Sorry) reproduisent l'apparence des bandes dessinées à l'impression bon marché sur une échelle supérieure, en utilisant la trame de points caractéristique de ces impressions pour créer ombres et couleurs. Dans des œuvres postérieures, Lichtenstein suggère des styles de peinture tirés de l'Histoire de l'Art-qui rappellent par exemple Piet Mondrian ou Pablo Picasso- mais les représente avec le dessin plat qui caractérise les bandes dessinées, dans une combinaison de haute et de basse culture. Warhol utilisait le Pop Art pour critiquer la société américaine en recontextualisant des évènements et des icônes de la culture populaire comme Elvis, Jackie Kennedy et Marilyn Monroe. Sa formation comme concepteur graphique lui a permis d'utiliser le procédé sérigraphique industriel pour créer des variations à partir de photographies tirées de journaux et de revues. Ruscha, installé en Californie, représente une nostalgie particulière de la culture américaine et du kitsch de la côte Ouest. Dépourvues de figuration, ses premières peintures, baptisées de titres comme Industrie lourde (Heavy Industry), exigent que le spectateur réfléchisse sur les expressions linguistiques qui évoquent le langage visuel de la publicité. L'exposition présente également ses récentes cartes de Los Angeles, dans lesquelles il remet en question les moyens grâce auxquels nous appréhendons notre environnement et nous nous déplaçons en son sein.

Les salles 301, 304 et 302 présentent une série d'artistes contemporains que l'on peut considérer liés au Pop Art et que les Broad ont collectionnés plus exhaustivement. Dans ses premières photographies et dans ses dernières sculptures (qui sont exposées salle 301), Charles Ray altère les dimensions de formes tirées de notre environnement jusqu'à les rendre impossibles à reconnaître, dans une démarche à la fois inconfortable et pleine d'invention. Sherman est représentée dans les collections Broad par plus de 108 photographies et la sélection de vingt-trois photos de la salle 304 fournit une vision étendue de l'influente carrière de cette artiste. A la fin des années soixante-dix, Sherman a commencé à prendre des photos en noir et blanc d'elle-même diversement accoutrée et dans des poses coquettes qui semblent des portraits mis en scène, comme des photogrammes de films de série B des années cinquante ou soixante. Ses images les plus récentes font référence aux rôles féminins classiques dans la pornographie, l'Histoire de l'Art ou les médias et s'attachent à montrer comment ces représentations structurent l'identité féminine. Les peintures et les sculptures de la salle 302 illustrent le talent de Jeff Koons pour transformer un thème banal en un objet séduisant qui conteste la fonction de l'art dans la culture de consommation. Le colossal Chien globe (Balloon Dog) est le gigantesque agrandissement d'un jouet d'enfant banal qui réussit à figer de façon permanente, dans l'acier inoxydable, l'original éphémère. L'œuvre accompagne parfaitement le monumental Puppy (1992), également créé par Koons, qui appartient aux fonds propres du Musée Guggenheim Bilbao et qui est installé à l'entrée du Musée.

Il est important de considérer l'art contemporain sous une perspective internationale, et l'art allemand des trente dernières années constitue un autre noyau essentiel des collections Broad. La salle 303 examine le travail de quelques photographes allemands qui ont exercé une influence importante dans leur domaine. Les études systématiques de différents types d'architecture industrielle des photographes Bern et Hilla Becher sont à la base de la nature rigoureuse des photos manipulées numériquement d'Andreas Gursky, qui saisissent avec une impressionnante minutie des structures du capitalisme telles que la Bourse ou les centres commerciaux. Quant à la démarche artistique de Kiefer, elle est entièrement différente, comme le montrent ses immenses toiles sur des thèmes tirés de l'histoire, de la culture et du nationalisme allemand. Par son coup de pinceau émotif et nerveux, Kiefer a été lié au néo-expressionnisme, terme qui s'emploie également pour un groupe d'artistes américains actifs dans les années 80.

L'exposition s'achève salle 105 sur les développements les plus significatifs de la peinture américaine. Y figure une sélection de toiles de Baldessari, avec des œuvres qui vont de ses pièces basées sur le langage, qui ont contribué à définir l'art conceptuel de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix, jusqu'à ses grands photocollages plus récents basés sur l'iconographie des médias. Ce même espace accueille également d'autres artistes qui se sont révélés dans le cadre de l'agitation politique et culturelle qu'a connu le monde artistique dans les années quatre-vingt.

Jean-Michel Basquiat s'est fait connaître dans les années soixante-dix grâce à ses graffiti poétiques réalisés dans les rues et le métro de New York, mais c'est l'immédiateté émotionnelle de ses toiles qui est responsable de la reconnaissance qu'il atteint dans les années quatre-vingt. Quant aux œuvres quasi abstraites de Ross Bleckner, elles traitent de la perte et du souvenir, qui prennent corps pour la première fois au cours de la décennie d'épidémie de SIDA. Cette période de prospérité économique a aussi favorisé la peinture grand format; parmi les toiles exposées, citons les portraits narratifs colossaux de Julian Schnabel, confectionnés à partir de fragments de vaisselle, dont son hommage à Andy Warhol Autoportrait à l'ombre d'Andy (Self-Portrait in Andy's Shadow, 1987).

De Jasper Johns à Jeff Koons offre la peu fréquente occasion de juger du goût de deux influents collectionneurs contemporains. L'exposition ne prétend pas être une vision en profondeur de l'art réalisé de la IIe Guerre Mondiale à nos jours, mais cherche plutôt à mettre en relief quelques artistes et mouvements importants qui ont laissé leur trace dans l'Histoire de l'Art.

Exposition organisée par le Los Angeles County Museum of Art

 

Jasper Johns
Drapeau (Flag), 1967
Encaustique et collage sur trois panneaux de toile
85,1 x 142,9 cm
The Eli and Edythe L. Broad Collection, Los Angeles

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