Sans titre
1988Panneaux d’acier, charbon et sacs en toile de jute250 x 180,5 x 30 cm
Bien qu'étant né et ayant grandi en Grèce, c'est en Italie que Jannis Kounellis atteint sa maturité artistique. Se plongeant dans la riche histoire esthétique de son pays d'adoption, il est arrivé à la conclusion que l'importance de l'art réside dans sa réflexion sur le tissu complexe de croyances et de valeurs qui constitue l'axe central du développement culturel. Kounellis pensait que, tout au long de l'histoire, l'art a évolué comme une expression et une réponse à des modèles de pensée théologiques, intellectuels et politiques. Mais il est arrivé à la conclusion que la société européenne de l'après-guerre ne possédait pas les formes esthétiques adéquates pour refléter la fragmentation de la civilisation contemporaine. La sculpture et la peinture conventionnelles, comme produits d'unité culturelle, n'étaient plus en phase avec la situation erratique qu'il percevait. En 1967, il commença à réaliser des sculptures, des installations et des performances théâtrales afin d'englober le fragmentaire et l'éphémère. On l'associa à cette époque à un groupe d'artistes italiens qui, pour des raisons politiques et esthétiques analogues, poursuivaient un objectif similaire. Étiquetée sous le nom d'Arte Povera, terme inventé par le critique et commissaire Germano Celant, leur œuvre incorporait des matières organiques et industrielles, d'où surgissaient des confrontations poétiques entre la nature, la culture et l'environnement fabriqué. Kounellis a été jusqu'à inclure des animaux vivants dans ses œuvres, dans une tentative de formuler un paradigme entièrement nouveau au travers duquel il expérimenterait l'art. Il a aussi condamné des portes et des fenêtres avec des pierres et des bouts de bois, il a utilisé le feu sous forme de chalumeaux à gaz et des restes de fumée pour évoquer le potentiel alchimique et transformateur de la flamme et sa force destructrice.
Sans titre, la contribution de Kounellis à la Biennale de Venise de 1988, fut exposée seule dans une salle du pavillon italien. La pièce est formée d'une rangée de planches métalliques identiques — chacune d'elles ayant les dimensions approximatives d'un lit, l'intention étant d'évoquer la présence corporelle1 — montées sur le mur à une certaine hauteur du sol. Sur chaque panneau, six sacs à charbon sont tenus par la pression exercée par des poutres en I. Suivant une combinaison typique de l'œuvre de Kounellis, les sacs irréguliers et inégaux, et la matière organique qu'ils contiennent, se superposent aux unités modulaires répétées, avec leurs formes industrielles dures, qui rappellent le minimalisme américain. Sans titre reflète l'intérêt permanent de l'artiste pour le charbon, un résidu d'énergie terrestre intimement lié au feu qui suggère le potentiel de transformation et d'évolution. Kounellis parle aussi de cette pièce en évoquant la tradition de l'art et l'architecture ecclésiastiques : il a été jusqu'à suggérer que la position des panneaux sur le mur garde une relation avec la hauteur à laquelle étaient suspendues les peintures italiennes du XIVe siècle et a assimilé l'installation au passage par le triforium d'une église gothique2.
Notes :
1. Kounellis réalisa des planches de la taille d'un lit double, « pour que tout le matériel qui soit mis sur cette surface soit automatiquement associé à un format déterminé : celui de l'homme ». Jannis Kounellis. Entretien avec Wim Beeren. Dans : Jannis Kounellis, catalogue d'exposition. Amsterdam, Stedelijk Museum, 1991, p. 85.
2. Ibid. ; et Stephen Bann. Jannis Kounellis. Londres, Reaktion Books, 2003, p. 85.
Source(s) :
Nancy Spector. « Jannis Kounellis », Spector. Éd. Guggenheim Museum Collection: A to Z. 2ème rév. éd. New York, Solomon R. Guggenheim Museum, 2010.
Germano Celant. « Janis Kounellis », Colección del Museo Guggenheim Bilbao Collection, Bilbao, Guggenheim Bilbao Museoa ; Madrid, TF Editores, 2009.
Titre original
Sans titre
Date
1988
Technique / Matériaux
Panneaux d’acier, charbon et sacs en toile de jute
Dimensions
250 x 180,5 x 30 cm
Crédit
Guggenheim Bilbao Museoa