Éveil, 1984
« Notre inspiration sont toutes les personnes qui vivent aujourd’hui sur la planète, dans le désert, la jungle, les villes. Ce qui nous intéresse, c’est las personnes, la complexité de la vie ».
Gilbert & George, 2012 (1)
En 1965, Gilbert Proesch (Dolomites, Italie, 1943) et George Passmore (Devon, Angleterre, 1942) se rencontrent en classe supérieure de sculpture au Central Saint Martin’s College of Art and Design de Londres. Comme l’a déclaré George, « ce fut un coup de foudre ». (2) Ils commencent alors à travailler et à vivre ensemble. Leur identité va peu à peu s’entremêlant à tel point qu’il est impossible de penser à l’un sans penser à l’autre. Aucun nom, aucune biographie individuelle ou œuvre personnelle ne sont venus perturber cette union si particulière. (3) Gilbert & George portent toujours des costumes et des cravates coordonnés, avec un stylo Parker dans la pochette de la veste. Ils adoptent alors ce style unique pour défendre des valeurs formelles et vieillottes qu’ils expriment ainsi dans les « The Laws of Sculptors », leur manifeste de 1969, qui s’ouvre sur ces mots : « Habillez-vous toujours avec élégance, soyez soigné, détendu, aimable, bien élevé et maîtrisant la situation ».
Gilbert & George n’utilisent pas internet, sauf pour réserver des billets ou des entrées et, même s’ils ne prennent jamais le téléphone, leur numéro a toujours été dans l’annuaire. (4) Ils sont inséparables depuis le début et ont très tôt développé l’idée qui va être leur plus grand succès : briser la distance entre l’art et l’artiste en consacrant toute leur vie à être des sculptures vivantes. Ainsi, Gilbert & George « ne peuvent séparer leur art d’aucun autre aspect de leur vie ». (5)
Les artistes considèrent tout ce qui les entoure comme un sujet possible pour leur œuvre et ont toujours abordé les questions sociales, les tabous et les conventions artistiques de façon controversée et provocante. Ils explorent des thèmes comme l’identité, la race, la religion, la sexualité, la vie urbaine, le terrorisme et la mort. Leur travail et sous-tendu par l’idée que le sacrifice et l’investissement personnel de l’artiste sont des conditions nécessaires à l’art. (6) Une grande part de leur œuvre s’inspire de l’East End londonien, où ils vivent et travaillent depuis plus de 40 ans. Pratiquement toutes les images qu’ils emploient dans leur production sont recueillies à faible distance de leur logement. (7)
Gilbert & George sont devenus célèbres en 1969 avec la performance La sculpture chantante (Singing Sculpture), dans laquelle, habillés de leur costume caractéristique, ils restaient debout sur une table en faisant le mime, en dansant et en chantant, parfois pendant une journée entière. Au début des années 1980, Gilbert & George commencent à appliquer à des collages de photographies toute une palette de couleurs criardes évoquant joyeusement la tradition des vitraux d’église. (8) Ils embauchent aussi un groupe de jeunes, souvent de leur quartier, pour créer des compositions de grande taille voyantes et audacieuses. Dans Éveil (1984), les artistes occupent le centre d’une composition peuplée de figures de couleur intense symétriquement distribuées. Autour d’eux sont placés de jeunes qui représentent des héros composant soigneusement une espèce de récit à l’intérieur même de l’image. (9) Les jeunes spectateurs observent, tandis que les artistes, dont les visages sont transformés en masques par la couleur superposée, représentent par leur mimique l’horreur d’une sorte d’éveil intérieur, peut-être lié au passage de la jeunesse à la maturité, que la répétition de l’image des artistes dans trois échelles différentes semble suggérer. (10)
Gilbert & George créent chaque œuvre à partir d’images isolées et de négatifs photographiques qui sont superposés en chambre noire. Les sujets se détachent sur un fond noir, puis les copies photographiques sont coloriées à la main. La composition est ensuite montée en utilisant un système de numérotation de chaque copie dans le quadrillage et en suivant la séquence numérotée pour obtenir l’image finale.
1. « Gilbert & George », White Cube.
2. « Gilbert & George », entretien, Daily Telegraph, 28 mai 2002.
3. « Gilbert & George », Collection en ligne, Solomon R. Guggenheim Museum.
4. « Gilbert and George’s Postcards from the Edge », London Evening Standard, 6 janvier 2011.
5. « Gilbert & George Major Exhibition, Information and Activity Pack for Teachers », Tate Modern.
6. « Gilbert & George », White Cube.
7. « Gilbert & George Major Exhibition », Tate Modern.
8. « Gilbert & George », La Collection, Musée Guggenheim Bilbao.
9. « Gilbert & George », Collection en ligne, Solomon R. Guggenheim Museum.
10. Ibid.
Preguntas
Depuis 1965, Gilbert & George sont unis en tant que partenaires. Sans identité individuelle ni œuvre d’art indépendante, ils fonctionnent comme s’il s’agissait d’un seul artiste. Demandez aux élèves quelles peuvent être les avantages et les inconvénients de travailler avec une autre personne en formant une unité. Connaissent-ils d’autres couples dans lesquels deux personnes se sont fondues en une seule identité ?
Demandez aux élèves de décrire ce tableau de la façon la plus détaillée possible. Se sont-ils rendu compte que Gilbert & George apparaissent au centre de la peinture ? Pourquoi, à leur avis, les artistes se représentent-ils de cette façon ? À une occasion, un historien d’art a déclaré que les artistes sont flanqués de jeunes qui représentent des héros composant minutieusement divers récits au sein de l’image : que peut-on distinguer du thème qui inspire les artistes en observant la posture des jeunes, leur expression faciale et la manière dont ils sont disposés sur la toile ?