2008 Twombly

Neuf discours sur Commode

"Je ne suis pas puriste. Je ne suis pas complètement abstractionniste. Il doit y avoir une histoire derrière la pensée." 1

Cy Twombly, Neuf discours sur Commode (Nine Discourses on Commodus), 1963
9 toiles, huile, cire et crayon sur toile, 204 x 134 cm chacune.
Guggenheim Bilbao Museoa

L’œuvre de Cy Twombly [Lexington (Virginie, États-Unis), 1928 – Rome, 2011], avec son style caractéristique fait de rayures, de griffonnages et de lignes frénétiques qui rappellent des graffiti a souvent été reliée à l’expressionnisme abstrait, mais en réalité elle représente un rejet des principes de ce mouvement. Alors que les expressionnistes abstraits créent des peintures monumentales qui semblent quasiment polies, la peinture de Twombly, même si elle aime aussi le grand format, est plus fragile et de construction plus libre. Sur ses caractéristiques fonds blanc, crème ou noir, ses traits de pinceau uniques se détachent par le peu de place qu’ils occupent sur la toile, à la différence des compositions de Jackson Pollock [Cody (Wyoming, États-Unis), 1912 - East Hampton (New York), 1956], qui envahissent tout le tableau. Ses longs séjours en Italie et son installation définitive à Rome en 1957 l’ont conduit sur une voie autre que celle de nombreux artistes américains de son époque. La liberté gestuelle de l’Expressionnisme Abstrait apparaît compensée et limitée par sa fascination pour l’Histoire et le paysage européens ainsi que pour la mythologie et la littérature classiques.

En 1962 et 1963, les peintures de Twombly prennent un ton beaucoup plus sombre et inquiet alors qu’il adopte comme point de départ une série d’assassinats historiques. Ce tournant reflète peut-être l’ambiance lourde qui règne au début des années 1960, lorsque se produit l’assassinat du président Kennedy. La série monumentale de peintures abstraites Neuf discours sur Commode (Nine Discourses on Commodus, 1963) résume parfaitement cette étape angoissée et exceptionnelle de sa carrière artistique. Twombly s’inspire de la vie et de la mort de l’empereur romain Commode (161–192), fils de Marc-Aurèle, dont l’instabilité mentale a semblé annoncer le début de la décadence de l’Empire. Le règne de Commode a aussi été une époque de désordres politiques et économiques. Au fur et à mesure que les années passaient, il devenait de plus en plus excentrique : il croyait être la réincarnation d’Hercule et participait à des combats de gladiateurs. Sa santé mentale empirait chaque jour et il finit assassiné. À sa mort, une guerre civile éclata à Rome.

Le cycle est basé sur la cruauté et la folie de Commode et sur son assassinat final. Le conflit, l’opposition et la tension dominent la composition picturale. Deux spirales de matière constituent le noyau central de chaque tableau, dont le contenu émotionnel va des structures sereines et semblables à des nuages aux blessures sanglantes qui éclatent dans une sorte d’apothéose exaltée sur le dernier panneau. La peinture rouge sang s’infiltre dans chaque toile et le cycle dégénère progressivement jusqu’à donner lieu à une masse tordue de gouttes, de taches et d’éclaboussures qui évoque la violence et les effusions de sang qui ont caractérisé le règne de Commode. Twombly a choisi un fond uniformément gris pour toutes ses toiles. Celles-ci gagnent en intensité au fur et à mesure que les fonds gris et froids sont de plus en plus attaqués d’éclaboussures de peinture. Le fond gris fonctionne comme un espace négatif qui équilibre les tourbillons sanglants et les croûtes de matière coagulée. Sur cet arrière-plan neutre, la ligne qui coupe en deux les toiles sert de marque pour sous-diviser la composition. Les abondantes séquences de numéros permettent d’articuler les quadrillages, graphiques et autres axes géométriques qui forment le squelette des peintures. Malgré l’apparence de chaos et d’instabilité des toiles, une structure tout à fait maîtrisée se dégage de la composition.

1. Carmen Giménez (éd.), Cy Twombly (Bilbao : Musée Guggenheim Bilbao, 2008), p. 54.

Preguntas

Demandez aux élèves d’observer attentivement ces peintures et de les décrire. Dressez une liste d’adjectifs parmi lesquels ils pourront choisir (ex. : “en colère”, “tranquille”, “lent” ou “agité”), mais encouragez-les aussi à apporter d’autres adjectifs.

Demandez-leur ce qu’ils pensent du titre de l’œuvre et ce qu’ils savent de Commode : un empereur romain connu pour son instabilité mentale. L’artiste a déclaré qu’il aimerait que ses peintures représentent un état d’esprit. Pour les élèves, quel état d’esprit reflètent ces peintures ? À quoi leur font penser les couleurs ?

Dites aux élèves d’imaginer comment Twombly a pu peindre cette œuvre. Quel type d’ustensiles a-t-il pu utiliser ? Le processus a-t-il été rapide ou lent ? Quel type de gestes a-t-il pu employer ? Demandez aux élèves de montrer ces gestes à leurs camarades. À quoi peuvent-ils comparer les taches de la peinture ?

Twombly disait : “Moi, je travaille vite.  Je m’assois pendant deux ou trois heures et en quinze minutes je peux peindre une toile” [2] Pour les élèves, comment cette façon de travailler affecte-t-elle le résultat final ?

Selon l’artiste, chaque peinture de la série fait partie d’une “séquence” au lieu d’être une image “individuelle, isolée” : “C’est comme s’il était impossible de tout exprimer dans une peinture. Je ne sais pas pourquoi je le fais. Ce sont peut-être les pages d’un livre” [3]. Twombly a comparé les toiles du cycle aux pages d’un livre. Si les peintures étaient les pages d’un livre, quelle histoire raconteraient-elles ? Quels éléments des peintures transmettent cette histoire ?

2. Ibid. p. 52

3. Ibid. p. 58