L’ART À LA CARABINE

"J’ai eu de la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur un plan psychique, tout ce qu’il fallait pour devenir une terroriste. Au lieu de cela, j’ai utilisé le fusil pour une bonne cause, celle de l’art."

Pendant près de dix ans, de février 1961 au début des années 1970, Saint Phalle va effectuer une vingtaine de Tirs publics, des oeuvres qui se situent entre la performance, l’art corporel, la sculpture et la peinture. La plupart ont été filmés, photographiés, et certains réalisés expressément pour la télévision. Toutes obéissent à un rituel bien concret : lors de la phase de préparation, des objets soigneusement choisis sont remplis de sacs de peinture de couleur, fixés sur une surface plane et recouverts de plâtre blanc. Une fois la séance commencée, l’artiste, ou d’autres intervenants quelconques tirent avec une carabine sur la pièce, créant ainsi des explosions de couleur qui donnent forme en direct à l’œuvre d’art. Dès le premier Tir, le critique d’art Pierre Restany invita Niki de Saint Phalle à rejoindre le groupe des Nouveaux Réalistes. L’impact et la précocité de ces Tirs dans l’histoire de l’art de la performance et leur caractère scandaleux ont fait écran à leur complexité. En effet, ces toiles déploient de multiples significations : depuis la mise en scène de la mort jusqu’à la critique sociale et politique, en passant par la revendication féministe.