Yves Klein
01.02.2005 - 02.05.2005
Le Musée Guggenheim Bilbao présente une rétrospective complète de l'œuvre diverse et visionnaire de l'artiste français Yves Klein (1928–1962). L'exposition couvre l'ensemble de sa trajectoire: les premières peintures monochromes en orange, jaune, vert, rose et blanc, les célèbres monochromes bleus, les reliefs et les sculptures d'éponge, les Anthropométries, les monogolds et ses dernières expérimentations avec les éléments naturels comme le feu, l'air et l'eau. Construite en sept ans seulement, l'œuvre audacieuse de Klein, qui anticipe nombre de tendances ultérieures comme les happenings, les performances, le Land Art (art de la terre), le Body Art (art du corps) et certains éléments de l'art conceptuel, reste pleinement actuelle.
Yves Klein est né en 1928 à Cagnes-sur-Mer. Son père, Fred Klein, était un peintre figuratif et sa mère, Marie Raymond, un peintre abstrait de l'École de Paris. En dépit de cette naissance dans une famille d'artistes, Klein a d'abord été judoka. Sa grande dévotion pour la philosophie et la pratique de cet art martial asiatique — il étudia pendant quinze mois au fameux Institut Kôdôkan de Tokyo — a eu une influence décisive sur sa conception de l'art. Le judo kôdôkan s'inspire du Zen et recherche l'union de l'esprit et du corps, une pure réceptivité, un état de vide et d'harmonie totale avec l'existence. De plus, Klein s'est intéressé très tôt à l'enseignement ésotérique de l'Ordre Rose-Croix. L'intérêt profond qu'il a toute sa vie ressenti pour le rituel, l'immatérialité et le vide ne découle pas d'une affiliation à un dogme religieux précis mais reflète plutôt sa préoccupation pour les questions spirituelles.
La première apparition officielle de Klein en tant qu'artiste plastique se produit en 1955, avec la présentation de son monochrome Expression de l'univers de la couleur mine orange au Salon des Réalités Nouvelles. Le Salon refusa la peinture au motif qu'une seule couleur ne suffisait pas à créer une peinture. La rétrospective que présente le Musée offre une série de ces premiers monochromes en jaune, blanc, noir, rouge, rose et vert.
Dès le départ, Klein avait préféré utiliser des rouleaux à la place de pinceaux, afin d'éliminer toute trace de la main de l'artiste dans l'application de peinture. La couleur occupe ainsi le cœur de l'œuvre. N'étant pas bornées par un cadre, les toiles de Klein ne cherchent pas à être vues comme des plans, mais plutôt comme des champs de couleur vibrants qui se déploient dans l'espace. Pour l'artiste, la couleur est « sensibilité matérialisée »; le moyen par lequel il exprime sa tentative de transformation de la perception purement visuelle en un concept plus vaste de perception sensorielle. L'artiste français a voulu que le spectateur se submerge dans l'espace infini de la couleur pour expérimenter une sensibilité accrue envers l'immatériel.
Klein a attribué un rôle à part à la couleur bleue, qui incarnait pour lui les motifs les plus abstraits de la nature tangible et visible : le ciel et la mer. Longtemps en quête d'un bleu qui conserve la luminosité originelle du pigment, il trouva enfin l'IKB (le Bleu Klein International) : un bleu outremer profond que Klein mit au point avec l'aide d'un ami chimiste et qu'il fit ensuite breveter.
Ses peintures monochromes, ses sculptures et ses actions, présentées lors d'expositions individuelles à Milan, Paris, Düsseldorf et Londres, feront rapidement de Klein un artiste internationalement connu. Grâce à cette composante d'action que contient son œuvre, Klein a su faire de ses vernissages des évènements artistiques spectaculaires, en offrant des cocktails bleus ou en lançant dans le ciel de Paris 1001 ballons bleus pour augmenter la sensibilité au bleu de la population parisienne. Toujours plus utopique, l'artiste voulait aller plus loin : sa Révolution Bleue proposait que la France entière soit une surface picturale.
Outre une large sélection des premiers monochromes, le Musée Guggenheim Bilbao présente un grand nombre d'importants reliefs et sculptures-éponges bleues (et quelques rares exemplaires en rose) pour lesquels l'artiste a combiné éponges et pigments. Ces œuvres ont été créées après les premiers reliefs monumentaux en éponge bleue destinés au vestibule du théâtre de Gelsenkirchen. L'intérêt de Klein pour l'architecture le mena à collaborer avec l'architecte allemand Werner Ruhnau dans une série de projets visionnaires en forme d'« architecture de l'air ». La concept architectural de Klein de remplacer les murs par des courants d'air fut aussi révolutionnaire que son exposition Le Vide, dans une galerie de Paris en 1958. Avec Le Vide, l'artiste va au-delà de la monochromie : dans une salle complètement vide, les murs peints en blanc par l'artiste placent le spectateur en contact direct avec un espace sensibilisé et sensibilisant. L'art n'est plus un objet mais une présence artistique qui se perçoit dans l'espace. L'exposition Le Vide est représentée dans la rétrospective par un film qui nous montre Klein devant ses murs blancs.
Parmi ses œuvres les plus fascinantes se trouvent les Anthropométries, qui soulevèrent à leur apparition de vives controverses. Il s'agit des empreintes corporelles de couleur bleue, rose ou or que les « pinceaux vivants » (des modèles féminins et parfois masculins, seuls, en couple ou en groupe) laissent sur des toiles et des papiers grand format.
Dans les Cosmogonies, Klein capture sur la toile les traces du vent et de la pluie, et poursuit ses expérimentations avec les éléments naturels, dont fait partie son dernier groupe d'œuvres baptisé Peintures de feu. Ces œuvres, qui s'intéressent aux phénomènes passagers et universels, sont nées d'actions spectaculaires et, comme les Anthropométries, révèlent l'importance que Klein accordait à l'action. Les œuvres ici exposées sont aussi des reliques, car, comme le disait Klein lui-même : « Mes tableaux sont les 'cendres' de mon art ».
Yves Klein
Cosmogonie bleue et rose avec traces de vent, Sans titre (COS 27), 1961
Pigment pur et résine synthetique sur papier monté sur toile
93 x 74 cm
Collection particulière