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Le traumatique et le sinistre

Capturer la réalité ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est la créer moi-même ¹.

La photographie n'a pas seulement influencé notre façon d'appréhender l'histoire, elle a aussi altéré la manière de remémorer nos histoires personnelles, comme par exemple la façon dont nous construisons nos idées sur la famille, l'enfance et nous-mêmes. La caméra permet de narrer l'histoire familiale et de perpétuer les souvenirs de famille. Elle produit une réalité alternative qui peut acquérir la force de l'épouvantable. Exploitant cet effet, de nombreux artistes construisent des mises en scène dans lesquelles les chagrins et les plaisirs des expériences personnelles reviennent sous la forme d'une iconographie photographique de nature effrayante.

En tant que socle de nos souvenirs les plus intimes et personnels, nos expériences de l'enfance et de l'adolescence constituent les fondations de notre identité psychologique. C'est pourquoi, dans nombre de photographies et de vidéos de Moffat, la vie familiale ressurgit et le traumatisme affleure sous la surface, souvent sous la forme de sa conséquence. Tandis que certaines scènes évoquent des faits réels, d'autres sont entièrement fictives et éveillent des émotions réelles par le biais de situations imaginées. Chaque image remémore le passé et même de nombreuses années plus tard peuvent susciter de puissants souvenirs.

Née à Brisbane, en Australie, Tracey Moffat a commencé par étudier le cinéma. Même s'il semble que son œuvre capture un instant fugace, il s'agit en réalité d'histoires soigneusement construites. Marqués à vie, une de sus séries les plus célèbres, présente neuf images d'enfants ou d'adolescents de banlieue. Chaque image enregistre un traumatisme précis, causé par les parents ou la fratrie, de l'abus verbal à l'abus physique. Les individus des images sont des acteurs choisis et dirigés par Moffat, et les scènes sont imprimées comme des photolithographies accompagnées de phrases basées sur des histoires réelles. Les œuvres semblent des pages tirées du populaire magazine américain des années soixante Life. La présentation directe semble en contradiction avec le sujet, souvent intime et douloureux, et les images elles-mêmes sont traitées avec une esthétique informelle et instantanée. Elles sont datées de 1956 à 1977, comme s'il s'agissait de clichés d'un album familial. De façon générale, Marqués à vie semble dire que les blessures de l'enfance restent en nous toute notre vie.

Citations
1 Cité dans Inside Art Express.com.au (dernier accès : 11 juillet 2010).

Preguntas

  • Montrez à vos élèves Inutile, 1974
  • Faites-leur observer soigneusement cette photographie et dresser une liste avec tout ce qui retient leur attention.
  • Quelles caractéristiques de cette photographie parlent de son sujet ? Ecrivez un bref profil avec l’âge donnée à cette personne, ses aspirations, sa situation familiale. Comment sont-ils parvenus à ces conclusions ?
  • Au bas de la photo, il est écrit : « Le surnom que lui a donné son père était inutile ». Décrivez comment cette phrase et l’image se combinent pour créer une signification. Que suggère-t-elle de la relation familiale ?
  • Les légendes qui accompagnent les photographies de Moffat sont tirées d’histoires réelles. Expérimentez en écrivant un texte alternatif pour accompagner cette photo. Comment le changement de texte influence-t-il l’impact de l’œuvre ?
  • Si vous aviez une conversation avec la personne de la photo, quel serait le dialogue ?
  • Inutile, 1974 est une des photographies de la série intitulée par Moffat Marqués à vie, une série centrée sur ces incidents blessants ou pernicieux qui surviennent entre les membres d’une famille. Vous semble-t-il que ce que nous vivons enfants peut continuer en nous influencer, même pendant la vie adulte, ou non ? Pourquoi oui ou pourquoi non ?