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Les choses

Esther Ferrer
Les choses
Performance
Le Lieu Festival, Québec (Canada), 1990
© Esther Ferrer, VEGAP, Bilbao, 2018
Photo : F. Bergeron

"La performance est l’œuvre ouverte par excellence […] La performance est transformation, mouvement, précarité […] La performance, telle que je la comprends, est pleine de dissidents heureusement.[1]"

Esther Ferrer (Saint-Sébastien, 1937) a été pionnière dans l’utilisation de l’art de la performance comme outil pour transformer la réalité. Son espace d’intervention se déploie sur deux niveaux : un, privé, qui remet en question des aspects aussi intimes que la sexualité ou les relations personnelles ; et un autre, social, qui s’attache à dénoncer la codification du corps féminin et revendique l’égalité entre l’homme et la femme.

Dans la performance intitulée Les choses (1990), Ferrer commence son action assise sur une chaise, dos à l’audience, en amoncelant des objets de toute sorte sur sa tête tout en se déshabillant. Ensuite, nue, elle se déplace sur une autre chaise et s’assoit face au public. Puis elle se rhabille tout en continuant à accumuler des objets sur sa tête. Au fur et à mesure qu’elle les enlève et les pose, elle laisse les objets sur une table, dans le même ordre qu’elle les a pris, l’un après l’autre. Au fil des ans, Ferrer a réalisé cette performance à de nombreuses occasions, mais pas toujours de la même façon. Elle change parfois de format pour incorporer d’autres personnes, ou alors elle ne déshabille pas ou elle choisit d’utiliser des objets différents. Quoi qu’il en soit, Ferrer joue avec la gêne du spectateur et avec l’absurdité de la situation comme d’un instrument qui dynamise l’action[2].

Les choses utilisées dans l’action artistique, qui donnent son nom à la performance, prennent une nouvelle valeur symbolique en intégrant partie de l’action et en raison de leur relation corporelle avec l’artiste, qui les manie sans qu’elles perdent leur propre caractère objectif et instrumental[3]. Dans les innombrables occasions où elle a interprété Les choses, Ferrer a recours à des objets de la vie quotidienne, comme une table, une chaise, un verre, un marteau, un pain ou un entonnoir, et les dépouille de leur fonction habituelle. Ces objets ont été trouvés au cours de sa vie et n’ont pas été choisis par l’artiste en raison de leur valeur esthétique, car dans sa performance elle ne désire pas donner aux choses une valeur autre que celle qui leur est propre : celle de choses complètement vulgaires. En agissant ainsi, elle crée des situations absurdes qui, sans prétendre rien communiquer, encouragent le spectateur à trouver quelque chose et l’incitent à engendrer ses propres histoires et connexions.

Selon Ferrer, la performance est l’art de l’ici et maintenant. Dans ses actions trois éléments interviennent : la présence, l’espace et le temps. L’artiste s’intéresse aux effets et aux interprétations que l’interaction de ces trois éléments suscite chez le spectateur : la présence de la personne qui exécute l’action (l’artiste), la présence des personnes qui reçoivent et/ou participent activement ou passivement à l’action (le public) et l’espace-temps dans lequel se déroule l’action. Pour Ferrer, tout, son corps, son énergie, ses objets, ses autoportraits, sa voix, ses idées, ses mots ou sa logique composent la performance.

L’artiste parle de son travail créatif en employant l’expression “faire des choses”, au lieu de “faire de l’art”. L’usage de cette expression révèle la gêne que lui cause le terme ou la catégorie d’“artiste”, mot qu’elle emploie exclusivement pour que les gens comprennent à quoi elle se consacre. Sa démarche personnelle et artistique est guidée par son désir de liberté et la volonté de ne pas trahir ses idéaux, au point qu’elle a su se maintenir tout le long de sa trajectoire en marge de toute convention sociale et culturelle, ce qui lui a permis de franchir les barrières et d’ouvrir un champ infini de possibilités créatives. Féministe convaincue, elle se sert de son propre corps comme du meilleur instrument pour revendiquer de manière énergique la visibilité de la femme sur la scène artistique nationale et internationale, tellement encore masculine.

Preguntas

Esther Ferrer a utilisé des objets quotidiens pour réaliser sa performance Les choses. Observez les images de cette action et énumérez les objets qui y apparaissent, Quel a pu être le motif du choix de ces articles ? Ont-ils quelque chose en commun ? Sont-ils liés d’une façon ou d’une autre ? Comment ?

Outre les objets, pour l’artiste, c’est elle-même qui est l’œuvre. Pourquoi à votre avis Ferrer affirme-t-elle cela ? De quelle façon s’implique-t-elle directement dans la performance ?

Cette performance, et les performances en général, se fondent sur des actions éphémères, autrement dit qui ne durent que le temps d‘exécution de l’action. Pourquoi selon vous un artiste a-t-il le désir de créer une œuvre temporaire ? Pensez-vous que chaque fois que l’œuvre est reproduite elle est exactement pareille ? Pourquoi Ferrer a-t-elle créé une œuvre changeante ? Quelle sensation produit le fait de savoir que l’action, ou mieux, l’œuvre, ne dure que le temps pendant laquelle elle est réalisée ?

Comment peut-on conserver ou stocker une performance ? De quelle manière pourrait-on enregistrer l’œuvre ou l’interaction des visiteurs avec elle pour qu’elle soit visible à l’avenir ?

Ferrer considère fondamental que dans ses performances trois éléments entrent en interaction : la présence de l’artiste et de son public, le passage du temps et l’espace où se déroule l’action. De quelle façon Les choses respecte ces trois prémisses ? Pourquoi ces trois éléments sont-ils si importants pour elle ? De quelle manière le public participe-t-il ? Comment est son interaction avec elle ?

La première performance Les choses a eu lieu en 1988 et la dernière en 2011. Imaginez que vous avez pu assister à la performance et décrivez la scène. Comment pensez-vous que se sentaient les participants en la regardant ? Comment vous sentiriez-vous vous-même ? Quelles impressions suscite-t-elle chez vous ? Que pensez-vous du fait que le public participe ou soit en interaction avec les œuvres d’art ? Chacune des personnes qui assistent à cette œuvre ressent des sensations différentes. Alors que tout le monde regarde la même chose, qu’est-ce qui fait que chacun ait des sensations différentes ? Pensez-vous que réaliser une performance plusieurs fois est la même chose que montrer un tableau dans différentes expositions ? Pourquoi ?

[1] http://dspace.umh.est/bitstream/11000/1867/1/TD%20Garc%C3%ADa%20Muriana%2c%20Carmen.pdf (pág. 381).
[2] http://todoesperformance.blogspot.co.uk/2015/12/esther-ferrer-las-cosas-1997-2011.html
[3] http://www.reactfeminism.de/entry.php?l=lb&id=51&et=