image

Mise en scène/Anxiété

La commedia dell'arte offrait aux artistes de l'après-guerre beaucoup plus que la simple familiarité. En tant que genre en même temps vénérable et contemporain, il répondait à l'idée d'un classicisme moderne tout en offrant un discours alternatif aux mythes classiques qui s'étaient enracinés si fortement dans la culture européenne d'après-guerre1.

Théâtre, cirque, sports: la mise en scène du corps se transforme rapidement en un élément-clé du retour à l'ordre. Le corps -travaillé, remodelé et perfectionné- devient alors un gage d'authenticité par opposition à l'esprit.

Dans une tentative de prendre leurs distances avec le passé récent, les artistes de l'avant-garde évitent toute référence à l'ancien idéal académique et puisent leur inspiration dans des sources surprenantes: la peinture d'icônes, l'art primitif, le cirque, les spectacles de variétés et la commedia dell'arte. Cette dernière, également connue sous le nom de comédie italienne, est une forme de théâtre née dans la rue et sur les places de marché à la Renaissance, en Italie, même si ses racines remontent à l'ancien théâtre grec et romain. Elle se caractérise par ses personnages masqués et par un jeu improvisé basé sur un des scènes dans lesquelles chaque comédien occupe un rôle stéréotypé. La troupe voyageait dans toute l'Europe avec ses spectacles et cette forme d'art a été très populaire jusqu'au XVIIIe siècle. «La commedia dell'arte, avec son style latin de famille, représentait la normalité à une époque obsédée par le bon sens et désireuse de s'éloigner des fièvres émotionnelles de la pré-guerre: "Aucun Othello ou Hamlet, aucune Phèdre ou Chimène, rien pour perturber l'esprit avec d'écrasantes obsessions-écrivait l'érudit Pierre Louis Duchartre-, la commedia dell'arte est un monde plein dont tous peuvent se nourrir»2 .

Gino Severini, un ancien futuriste passé au néo-classicisme, fut un spécialiste de la représentation de la commedia dell'arte, comme avec Les deux Polichinelles, peint en juin 1922. Polichinelle porte normalement une tenue blanche et un masque noir avec un nez long qui symbolise l'union des dualités. En tant que personnage vindicatif, il feint souvent ne pas savoir ce qui se passe pour tromper les gens ou les attaquer physiquement. Severini a peint deux figures masquées plutôt mystérieuses. Comme leur expression faciale reste invisible, leurs sentiments et leurs intentions nous sont cachés, ce qui peut s'avérer perturbant pour l'observateur.

Citations
1 Kenneth E. Silver. Un yo más perdurable. In : Silver. Caos y clasicismo: arte en Francia, Italia, Alemania y España, 1918—1936, cat. expo. Bilbao : Musée Guggenheim Bilbao ; New York : Solomon R. Guggenheim Foundation, 2010, pp. 43-44.

2 Ibid., p. 44.

Preguntas

Montrez à votre classe Les deux Polichinelles, juin 1922

  • Demandez-leur de décrire cette peinture avec le maximum de détails possible. Quelles couleurs, dessins et textures distinguent-ils?
  • Il y a deux figures. De qui peut-il s’agir ? Que peuvent-ils déduire en observant leur posture, leur expression et leur habillement?
  • Comment décriraient-ils l’atmosphère de la peinture? Comme Severino a-t-il obtenu cet effet?
  • Aimeraient-ils assister à un spectacle avec ces figures? Pourquoi?