SEURAT ET SON ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DE LA LUMIÈRE
SEURAT ET SON ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DE LA LUMIÈRE

Georges Seurat (Paris, 1859–1891) est surtout connu pour ses peintures pointillistes pleines de couleur. Pourtant, on remarque déjà dans les premiers dessins en noir et blanc qu’il réalisa à Paris le traitement novateur de la lumière qui caractérise son œuvre.

La méthode de peinture conçue par Seurat lui-même — le chromo- luminarisme ou divisionnisme — consiste à disposer de lumineux points de couleur sur la surface picturale, en juxtaposant des tons complémentaires, de sorte que la fusion des couleurs se produit dans la rétine du spectateur. Seurat s’est appuyé sur les théories d’auteurs tels que Charles Blanc, Michel-Eugène Chevreul et Ogden Rood pour développer sa méthode mais aussi pour mener à bien son étude systématique, à travers le dessin, de l’effet des lumières et des ombres.

En raison de la rigueur de ses recherches, ses contemporains, parmi lesquels Paul Signac, avaient surnommé Seurat « le notaire ». De son côté, l’artiste contemporaine d’Op Art Bridget Riley, une enthousiaste de l’œuvre du peintre divisionniste, a qualifié sa façon de voir de « rigoureuse scrutation ».

LA TEXTURE ET LE GESTE

Comprendre les caractéristiques des outils que Georges Seurat utilisait aide à mieux interpréter ses œuvres. Seurat dessinait au crayon Conté sur papier Michallet. Ainsi associées, les qualités de ces deux éléments produisent une sorte de fusion entre la figure et le fond.

Michallet

Le papier Michallet était un papier vergé — de grande qualité, dont la texture particulière provenait des lignes entrecroisées dans la largeur et longueur — fait main, feuille à feuille. Dans ce procédé artisanal, on dissout la pulpe, ou pâte à papier, dans une cuve d’eau, puis on la tamise sur un moule rectangulaire (forme), à la base duquel de fines tiges de métal — unies entre elles par du fil de fer — créent ce patron vergé. Le filigrane qui indique le nom du fabriquant est cousu à ces tiges à l’aide d’un fil métallique. Après avoir déposé la pulpe sur des feutres ou des toiles de laine, on la presse pour éliminer l’excès d’eau et on laisse les feuilles sécher.

Le papier Michallet n’était fabriqué qu’en un seul format (63 x 48 cm). Seurat coupait chaque feuille en quatre afin que la trame, dont la proportion augmentait alors par rapport à la dimension réduite du papier, soit bien plus visible. En appliquant dessus le Conté, la texture de la superficie fragmentait le trait et entraînait une vibration visuelle. Lorsque le papier était divisé en quatre parties, seul un des quarts conservait la filigrane de la marque de papier.

Conté

Le crayon Conté — breveté par Nicolas-Jacques Conté en 1795 — associe du graphite pressé à une base de cire ou d’argile. Sa consistance permet d’obtenir des noirs plus purs qu’avec le fusain. Le Conté se présente sous forme de crayons et de carrés. Seurat utilisait les deux. En fonction du geste qu’il voulait capturer, il choisissait l’un ou l’autre pour obtenir des différentes densités. En appuyant plus fort, il générait des zones sombres. Et pour obtenir des espaces lumineux, il gardait des zones de papier intactes.