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Choses: Cabinets de curiosités

« [Nous nous sentons] attirés par la pure audace d’essayer d’expliquer l’existence, de créer une œuvre d’art qui incarne le microcosme et explique comment nous savons ce que nous savons »1.

Dans cet « intervalle lumineux » entre la naissance et la mort, nous luttons pour créer et pour composer. Mais quel est le sens qui se dégage de cette lutte, et de quelle façon ? Quel rôle joue le monde matériel dans cette construction de sens ? Que peut apporter au monde une collection d'objets (ou comment peut-elle démontrer certaines théories) ? Souvent, quand elles sont vues dans leur ensemble, les collections peuvent susciter des idées de plus d'envergure. Comme le déclare Dimitris Daskalopoulos, « Collectionner, c'est créer un tout dans lequel les œuvres d'art peuvent nouer un dialogue et ainsi en dire plus que ce qu'elles diraient de façon individuelle ». Le mot « collection », nous rappelle-t-il, provient des mots grecs « parler » et « ensemble »2.

Certains artistes de la collection Daskalopoulos explorent plus spécifiquement comment nous construisons du sens au travers d'un ensemble d'objets physiques. Mark Dion (New Bedford, Massachusetts, États-Unis, 1961) et Robert Williams (Liverpool, Royaume-Uni, 1960) ont collaboré à la création d'une œuvre qui explore les manières dont les êtres humains ont essayé de structurer et d'organiser un monde naturel complexe et chaotique. Dion décrit sa pièce comme une « encyclopédie de méthodologies sur la façon dont nous organisons les choses pour créer du sens »3. Dans Theatrum Mundi: Armarium (2001), basée sur une collaboration avec des professeurs de l'Université de Cambridge, les deux artistes ont rempli deux vitrines quasiment identiques avec des objets illustratifs des systèmes de croyances de deux cosmologues, Ramon Llull (Palma de Majorque, 1232-Palma de Majorque, 1315) et Robert Fludd (Kent, 1574-Londres, 1637). Chaque vitrine est censée représenter l'un de ces deux cosmologues (un cosmologue est un savant qui étudie l'univers dans son ensemble) et chaque étagère une catégorie différente de sa théorie. Les étagères supérieures ont été laissées vides pour symboliser la croyance des deux hommes en l'existence de Dieu. Les vitrines sont reliées entre elles par une troisième, formée d'une seule étagère contenant un squelette humain, dans une allusion à la capacité limitée de l'homme à concevoir l'univers. Les artistes admirent la « pure audace d'essayer d'expliquer l'existence »4 mais ils reconnaissent aussi l'aspect inévitablement anthropocentrique et déficient de cette tentative.

Notes
1Mark Dion, cité dans El intervalo luminoso : D.Daskalopoulos Collection, cat. expo. Bilbao : Musée Guggenheim Bilbao; New York, The Solomon R. Guggenheim Foundation, 2011, p. 77.
2Dimitris Daskalopoulos, cité dans Organizando una galería en mi mente : Dimitris Daskalopoulos con Nancy Spector. In : El intervalo luminoso. Op. cit., p. 20.
3Mark Dion, cité dans El intervalo luminoso. Op. cit., p. 77.
4Ibid.

 

Preguntas

  • Avant d’observer l’œuvre de Mark Dion et Robert Williams, donnez à vos élèves son titre: Theatrum Mundi : Armarium (2001). Demandez-leur de discuter autour de sa signification. L’expression latine se traduit par « Théâtre du monde: armoire ». Que peuvent-ils imaginer d’une œuvre qui porte un tel titre ?
  • Puis montrez-leur l’œuvre et demandez-leur ce qu’ils y voient. Demandez-leur d’essayer d’identifier les objets des étagères. Les éléments placés sur la même étagère ont-ils quelque chose en commun ? Comment peuvent-ils mettre en rapport ces objets et la façon de les présenter avec le titre ?
  • Laissez les élèves réfléchir sur la manière qu’ont choisie les artistes pour montrer leur travail. Demandez-leur d’imaginer d’autres systèmes que Dion et Williams auraient pu choisir pour montrer ces objets. Une autre façon de les exposer aurait-elle changé leur signification ou leur message ?
  • Expliquez que chaque vitrine correspond aux différentes théories sur l’univers de deux cosmologues: Ramon Llull (XIIIe-XIVe siècle) et Robert Fludd (XVIe-XVIIe siècle). Les étagères sont disposées de façon à illustrer les niveaux ou catégories qu’ils définissent dans leurs théories. Demandez à vos élèves de deviner quelles étaient ces théories à partir des objets des étagères. S’ils ne parviennent à distinguer les objets dont il s’agit, vous pouvez leur indiquer que la vitrine de droite renferme des plantes et des animaux disséqués [objets de la nature], tandis que celle de gauche contient des éléments religieux, des instruments de musique et des livres [objets culturels].
  • Llull a organisé son système de croyance à partir de la nature, tandis que Fludd l’a fondé sur le développement culturel. L’étagère supérieure est vide pour symboliser que les deux savants partageaient la croyance en l’existence de Dieu. Selon vos élèves, pourquoi les artistes ont-ils placé un squelette humain entre les deux vitrines ?
  • Les artistes ont décrit cette œuvre comme « une réflexion sur les aspirations, certes nobles, mais impossibles, d’un musée universel, et peut-être aussi un hommage à celles-ci »1. Qu’ont voulu dire Dion et Williams avec cette affirmation ?
  • Dans cette pièce, Dion et Williams font une référence à l’invention du musée ou aux premières présentations de collections dans ce qui s’appelait une Wunderkammer, ou cabinet de curiosités. Les monarques et les savants européens de la Renaissance utilisaient ces cabinets de curiosités, qui contenaient des objets provenant du monde entier et de diverses disciplines scientifiques, comme symbole de leur maîtrise du monde et de leur rôle à l’avant-garde de la connaissance. Quelle opinion auraient-ils aujourd’hui d’un cabinet de curiosités actuel ?

Note

1Mark Dion, cité dans El intervalo luminoso: D.Daskalopoulos Collection, cat. expo. Bilbao: Musée Guggenheim Bilbao; New York : The Solomon R. Guggenheim Foundation, 2011, p. 77.