Code (Code), 1962
Code (Code), 1962
Coton, chanvre, fil de métal et laine
58,4 x 18,4 cm
The Josef and Anni Albers Foundation, Bethany, Connecticut
“Perdre de vue la finalité pratique n’est pas nécessairement une perte, car un résultat qui n’est pas pratique peut se convertir en art” Annie Albers, 1947 [1]
Anni Albers (Berlin, 1899–Orange, Connecticut, 1994) fait la connaissance de Paul Klee, une des personnes les plus influentes de sa carrière, quand elle assiste à ses classes au Bauhaus, l’école révolutionnaire de design, d’art et d’architecture fondée par l’architecte Walter Gropius à Weimar (Allemagne) en 1919. Tout le long de son histoire, l’école aura trois sièges ; en 1925, elle déménage de Weimar à Dessau, également en Allemagne, avant de s’installer à Berlin. C’est dans les premières années de l’école, à Weimar, alors que Klee fait un cours pour les étudiants en art textile, qu’Albers développe une intense admiration pour lui. Pour elle, Klee est un “génie”, par sa capacité à combiner l’abstrait et le géométrique avec le naturel et l’organique [2]. Dans ses classes, Albers apprend à travailler la composition de façon structurelle, en utilisant un langage de formes modulaires organisées dans un quadrillage selon les principes de rotation, variation de couleur, répétition, multiplication et division [3]. Outre Klee, une autre grande influence dans l’œuvre d’Albers réside dans les traditions textiles amérindiennes, qu’elle découvre pendant ses voyages en Amérique latine à partir de 1933. Pour l’artiste, les tissus réalisés par les peuples du Mexique et du Pérou sont “l’exemple le plus impressionnant d’art textile”. Et notamment, les tisserands péruviens qui emploient des techniques ancestrales sont les “grands maîtres” d’Albers. L’artiste admire la complexité du design, les couleurs éblouissantes et les motifs des tuniques des indigènes incas, wari et tiwanaku, qui offrent une grande similitude avec le type de patron qu’elle a exploré au Bauhaus sous la tutelle de Klee [4]. Elle se sent spécialement attirée par les signes des cultures précolombiennes, dans lesquels coïncident écriture et dessin. De plus, elle s’intéresse particulièrement aux tuniques inca qui incorporent un patron de motifs géométriques appelé en quechua tocapu.
En 1936 Albers réalise deux œuvres qui marquent le début d’une nouvelle étape artistique: Monte Albán (1936) et Écriture ancienne (1936). Elle y a recours pour la première fois à la technique de la trame flottante, dans laquelle un fil de trame supplémentaire est entrelacé ou “flottant” au dessus de la surface tissée. Avec cette technique, l’artiste “dessine” des lignes à la surface de la structure tissée. En appliquant cette technique, Albers réalise des œuvres qu’elle qualifie de “tissus picturaux” dans le but de revendiquer pour ces travaux textiles un statut analogue à celui de l’art pictural : ils sont eux aussi des objets à signification et intention purement esthétiques, sans finalité utilitaire [5].
Les œuvres les plus significatives des décennies suivants peuvent se diviser en deux catégories: celles qui emploient des images tirées de paysages ou de motifs anciens de la culture indigène américaine et celles qui évoquent des caractères et des systèmes linguistiques basés sur des signes idéographiques du monde antique[6]. Albers voulait que ses œuvres soient lues visuellement. Son intérêt pour la sémiotique découle d’une combinaison de l’enseignement de Klee au Bauhaus et de sa connaissance des cultures précolombiennes. Nombre de titres de ces dernières œuvres contiennent des références linguistiques directes: dans Code (1962), Albers utilise une trame flottante pour simuler des mots ou des phrases. Les éléments linéaires et les pointillés, ainsi que le titre, rappellent le code Morse ou un autre langage abrégé [7].
Preguntas
Observez la pièce Code (1962). Que voyez-vous? Décrivez l’œuvre en détail. Quels aspects attirent votre attention dans cette pièce? Décrivez les couleurs avec lesquelles elle est réalisée. Quelles sensations vous transmettent-elles? Comment décririez-vous les lignes noires)? Pouvez-vous distinguer un patron, autrement dit, un élément répétitif dans l’œuvre?
Albers baptise ses œuvres “tissus picturaux”. Pourquoi selon vous les appelle-t-elle ainsi? Élaborez une liste des qualités que devrait avoir une œuvre pour être considérée ainsi. De quelle façon pensez-vous que sont liés le tissé et le pictural?
En 1965, Albers publie son ouvrage On Weaving (à propos du tissage). Elle y reproduit divers schémas qu’elle utilise pour dessiner ses tissus. Lors de la visite de l’exposition du Musée, observez les schémas qui sont reproduits : quelles ressemblances et quelles différences trouvez-vous entre eux et Code (1962)?
Albers voulait que ses œuvres soient lues visuellement. Elle disait que son travail, comme celui des artistes andins qu’elle avait étudiés, avaient des références linguistiques directes, puisqu’il prenait le tissu comme une forme de langage. Que pensez-vous de ce concept? Pensez-vous qu’on puisse créer un langage à travers la couture? Le tissu d’Albers vous rappelle-t-il un langage que vous connaissez? Pourquoi, à votre avis, Albers intitule-t-elle par exemple une de ses œuvres Code (1962)? Si vous pouviez changer le titre, lequel lui donneriez-vous? Argumentez votre réponse.
Dans Code (1962), Albers utilise une trame flottante pour simuler des mots ou des symboles. Chaque ligne est différente et est utilisée de façon expressive dans le but de simuler un langage. Observez attentivement les différentes figures que l’artiste a composées dans son tissu et imaginez que ce sont des sons. Pensez au tissu comme s’il s’agissait d’une partition et aux lignes comme si elles constituaient un langage musical. Imaginez que chaque ligne est une “note” musicale dans une partition et que les espaces vides son les “silences”. Réfléchissez à l’importance des silences dans une mélodie et à la valeur que peuvent avoir les espaces en blanc dans une œuvre d’art. Comment à votre avis sonnerait l’œuvre?