Déplacements de miroir au Yucatan (Yucatan Mirror Displacements, 1−9), 1969
Robert Smithson
Déplacements de miroir au Yucatan (Yucatan Mirror Displacements, 1−9), 1969
Neuf impressions en couleur à partir de transparences couleur (format 126)
61 x 61 cm chacune
“J’utilise un miroir parce qu’il est en même temps le miroir physique et le reflet : le miroir en tant que concept et abstraction, puis le miroir en tant que fait dans le miroir du concept. Tel est le point de départ de l’autre type d’idée contenue, dispersante. Mais aussi l’unité bipolaire entre les deux lieux est conservée”.[1]
Les premières créations de Robert Smithson (Passaic, New York, 1938−Amarillo, Texas, 1973) sont des peintures, des dessins et des collages qui relèvent plutôt de l’expressionnisme abstrait. Toutefois, il abandonne vite le travail bidimensionnel pour évoluer vers la sculpture, car il sent que la technique picturale le bride dans sa créativité.
En 1963, Smithson épouse Nancy Holt, également artiste, et tous deux se lancent dans un projet artistique qui passe par les lieux abandonnés, en quête d’espaces industriels et de mines démantelées au New Jersey et en Pennsylvanie, afin les utiliser comme inspiration pour leur travail. Insatisfait avec ces lieux, Smithson en explore d’autres à l’ouest et au sud-ouest des États-Unis et s’intéresse beaucoup aux déserts. Dans ces endroits, l’artiste ramasse du gravier, des restes géologiques et des fragments de roche qu’il combine ensuite dans des sculptures géométriques de style minimaliste.
L’année suivante, en 1964, Smithson commence à produire ce qu’il définit comme ses premières œuvres d’importance, qui s’emparent du paysage et de la nature comme matière première et qui sont d’ailleurs considérées comme les premières créations du Land Art. Le bois, la terre, les pierres, le sable, le vent, les roches, le feu, l’eau, etc., lui servent d’inspiration, de même que le propre matériel qu’il utilise pour intervenir sur la nature.
La plupart des œuvres de Land Art produites par Smithson au cours de sa carrière son à emplacement spécifique, autrement dit conçues pour un espace extérieur précis. Là, il crée un hybride entre sculpture et architecture dans lequel le paysage joue toujours un rôle déterminant. De plus, nombre d’entre elles sont à caractère éphémère : certaines disparaissent au fil du temps et il n’en reste que l’enregistrement photographique ou filmique car, réalisées à l’extérieur, elles sont exposées aux aléas climatiques et aux effets d’érosion de leur environnement naturel. D’autres, comme Déplacements de miroir au Yucatan (1−9), de 1969 sont directement réalisées dans le but de ne pas durer, puisqu’elles sont démontées juste après avoir été photographiées.[2]
Pour réaliser Déplacements de miroir au Yucatan (1−9), Smithson a installé plusieurs miroirs carrés de 30 centimètres de côté dans neuf paysages différents tout le long de la péninsule du Yucatan. Le résultat est une série de neuf photographies couleur que Smithson publie dans le magazine Artforum accompagnées du texte “Incidents of Mirror-Travel in the Yucatan” [Incidents des voyages de miroir au Yucatan, 1969). Pour l’artiste, les miroirs reflètent et réfractent ce qui les entoure, minant ainsi la solidité du paysage et brisant ses formes. Tandis que les miroirs enregistrent le passage du temps, la photographie suspend celui-ci pour donner naissance à une contradiction dans la temporalité de l’œuvre.[3]
Preguntas
Regardez attentivement l’œuvre de Robert Smithson. Prenez du temps pour en contempler tous les détails. Que percevez-vous ? Quels objets de la nature pouvez-vous distinguer ? Dressez une liste des choses que vous voyez. Lesquelles à votre avis font partie du monde naturel ou ont été rajoutées par l’artiste ? Comment pensez-vous qu’il a créé l’œuvre ? Décrivez le processus qu’il a selon vous employé pour la composer.
En 1969, Smithson voyage avec sa femme, Nancy Holt, au Mexique à la recherche de lieux où créer des œuvres. Dans quel type de paysage imaginez-vous qu’il a pris cette photographie ? Pourquoi ? Comment imaginez-vous que l’on se sente à cet endroit ? Quels sons pensez-vous qu’on peut y entendre ? Quelles odeurs peut-on y sentir ? Aimeriez-vous marcher à cet endroit ? Pourquoi ? Avez-vous déjà été dans un endroit similaire ?
Les miroirs de Déplacements de miroir au Yucatan (1−9) ont été démontés après avoir été photographiés par l’artiste. Pourquoi à votre avis l’a-t-il fait ? Selon vous, que se serait-il passé s’il ne l’avait pas fait ? Cette œuvre peut-elle être considérée comme éphémère parce que l’objet photographié n’existe plus ou, au contraire, pensez-vous qu’elle est permanente parce que sa photographie existe toujours ? Justifiez votre réponse. Comment changerait l’œuvre si Smithson l’avait photographiée ailleurs, comme par exemple dans une ville ?
Robert Smithson est l’un des artistes représentatifs du Land Art. Faites des recherches sur ce mouvement artistique. Pourquoi selon vous certains artistes choisissent-ils le paysage comme outil pour créer leurs œuvres ? Quels peuvent être les avantages et les inconvénients de ce médium ?
Cet artiste aime jouer sur la contradiction entre l’éphémère et le permanent : à votre avis, cette contradiction apparaît-elle dans Déplacements de miroir au Yucatan (1−9)? Pourquoi selon vous un artiste peut-il désirer créer une œuvre temporaire ? Pourquoi invente-t-il une œuvre changeante ? Comment vous sentiriez-vous vous- même comme artiste en créant quelque chose de ce type ? Pensez-vous qu’il est important de documenter l’œuvre ? Croyez-vous que la documentation des œuvres est aussi ou plus importante que la création de l’œuvre en elle-même ?