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Histoire

Iñaki Garmendia
S/T Orbea (Orduña), 2007

“S’il existe un présent historique, c’est parce qu’il existe une tradition du présent, parce que la tradition est la substance de l’histoire, en quelque sorte son sédiment, la révélation de l’intrahistorique, de l’inconscient dans l’histoire”. —Miguel de Unamuno, En torno al casticismo, 1895

Iñaki Garmendia (Ordizia, Gipuzkoa, 1972), Erlea Maneros Zabala (Bilbao, 1977) et Xabier Salaberria (Donostia-San Sebastián, 1969) partagent un même intérêt pour l’histoire et sa recréation, sa déconstruction et sa réinterprétation comme moyen d’aborder leur propre époque. Ces artistes déconstruisent des faits historiques pour les mêler à des évènements actuels et ainsi établir de nouvelles connexions entre passé et présent auxquelles ils apportent leurs interprétations personnelles.

Garmendia traite de questions sociales, culturelles et politiques, en confrontant global et local. À l’instar de Miguel de Unamuno (Bilbao, 1864–Salamanque, 1936), dont il reprend le concept d’intrahistoire, Garmendia se réfère à l’histoire au niveau quotidien et local pour détecter ce qui engendre une évolution ou un changement (1). Sans titre Orbea (Orduña) (2007), est une vidéo de 45 minutes sur un objet quotidien, un vélo de course modèle Orduña, fabriqué par la firme basque Orbea dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Le film explore les caractéristiques de l’objet ; la caméra se rapproche pour le prendre en gros plan et l’examiner sous toutes ses coutures, mais en évitant de raconter une histoire. Toutefois, sous la pièce il existe bel et bien un récit, même s’il n’est pas explicite. Orbea était une entreprise familiale fondée en 1847 au Pays basque qui se consacrait à la fabrication d’armes ; mais avant la Guerre Civile (1936–39), elle changea d’activité pour passer à la production de bicyclettes (2).

Dans ses œuvres, Maneros Zabala aborde des concepts comme les archives, la mémoire et l’interprétation de l’histoire en s’intéressant particulièrement aux images d’archives et à leur contexte. L’artiste met en relief les stratégies idéologiques qui entrent en jeu dans la présentation des images, dans la mesure où la façon dont elles sont cadrées et mises en contexte influence leur interprétation (3). Sans titre (8 septembre, 1894. La Ilustración Española y Americana) [Untitled (September 8, 1894. La Ilustración Española y Americana), 2007–13], est une installation qui s’inspire d’un article publié en 1894 dans la revue La Ilustración Española y Americana autour d’un projet, finalement non abouti, qui proposait de dresser une grande structure architecturale conçue par l’ingénieur basque Alberto de Palacio (Sare, France, 1856–Getxo, Biscaye, 1939) pour revitaliser la ville de Bilbao. Le monument se voulait être un hommage aux Fors basques, un système de privilèges aboli en 1876 dans le cadre de la centralisation espagnole. Le projet consistait en une construction élaborée de 80 mètres de hauteur en fonte et en verre, avec un ascenseur menant jusqu’à sa coupole, à installer en plein centre-ville de Bilbao, à un moment où la ville bascule dans la modernité. Maneros Zabala réinterprète l’idée d’Alberto de Palacio en prélevant dans les archives l’image du projet pour la situer sur les cimaises de la salle d’art contemporain.

Un des traits distinctifs du travail de Salaberria est l’emploi d’outils et de stratégies issues du design, de l’architecture et de l’histoire de l’art. Le point de départ de son œuvre remonte à Weimar, où l’architecte Walter Gropius (Berlin, 1883–Cambridge, Massachussetts, E. U., 1969) a fondé le Bauhaus en 1919. Le Bauhaus était un lieu de création d’objets et d’habitats visant à contribuer à l’apparition d’une société meilleure en fondant l’art et la technique dans une nouvelle unité (4). Les pièces de Salaberria rappellent le mobilier installé dans les espaces publics. Son œuvre renvoie aux contradictions du fonctionnalisme et à l’utopie sociale dans l’histoire récente du design, de l’architecture et de l’art (5). Sa pièce Sans titre, 2011 [de la série Inconscient/conscient (Inkontziente/kontziente), 2011–13] s’inspire du design expérimental de la bibliothèque Carlton, créée par l’architecte et designer italien Ettore Sottsass (Innsbruck, 1917–Milan, 2007). En 1981, Sottsass élabore un langage visuel caractérisé par l’agencement original des structures et l’emploi de couleurs vives intégrés dans des systèmes d’organisation logique de l’espace. La bibliothèque Carlton peut adopter différentes fonctions, se transformant ainsi en un élément dynamique et polyvalent, sorte d’objet nomade ou itinérant représentatif de la société de consommation. Salaberria présente ici un objet sculptural tridimensionnel qui constitue une relecture des formes du meuble Carlton et de l’espace que ce dernier crée autour de lui.

NOTES

1. Laconismo y complejidad par X. Sáenz de Gorbea. Article publié dans Deia 24.07.2011

2. Metraje. Texte de Peio Aguirre sur l’œuvre d’Iñaki Garmendia. La Virreina - Centre de la Imatge. 14 juillet–2 octobre 2011, pp. 15–17.

3. Maneros Zabala, Erlea. Bricks to a house/Figures to a picture: North American Press Imaginary 2001–2004. 6 mai – 19 juin 2011.

4. “Bauhaus 1919–1933: A chronology”.

5. Aguirre, Peio. “Scenario by Xabier Salaberria.”

Preguntas

Observez l’œuvre de Garmendia Sans titre Orbea (Orduña) (2007)

Au Musée, nous pouvons voir la vidéo complète, mais en classe il est possible d’en voir un fragment sur le site : http://vimeo.com/38855454

Que peut-on voir dans le film ? Nommez les différentes parties de l’objet que l’on peut voir.

Ce modèle de bicyclette a été fabriqué dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Cherchez les différences entre les vélos d’autrefois et ceux d’aujourd’hui

Ce vélo est un modèle Orduña, nom d’une petite ville de la Biscaye, au Pays basque. A votre avis, pourquoi le fabricant, Orbea, a-t-il décidé de baptiser ainsi ce modèle ? Quel genre de personne a pu utiliser ce type de vélo ?

Pendant le tournage, Garmendia se rapproche au maximum du vélo. Observez quelques-unes de ses pièces. Si ce n’était pas les pièces d’un vélo, qu’est-ce que cela pourrait être d’autre ? Essayez d’imaginer de nouvelles possibilités pour les images que vous voyez. Pourquoi, à votre avis, l’artiste se rapproche-t-il tant du vélo ?

Pensez à la façon dont Garmendia aborde l’histoire. À votre avis, que peut transmettre un objet en matière d’histoire ? Cherchez des exemples en rapport avec votre ville ou votre quartier et pensez à la façon dont ils peuvent faire partie de son histoire.

Observez l’œuvre de Maneros Zabala Sans titre (8 septembre, 1894. La Ilustración Española y Americana) [Untitled (September 8, 1894. La Ilustración Española y Americana)] (2007–13)

Décrivez l’œuvre. Cherchez des adjectifs qui la définissent. Que vous rappelle cette structure ?

La tour conçue par Alberto de Palacio et sélectionnée par Maneros Zabala rend hommage aux Fors basques et s’inspire de l’Arbre de Gernika, symbole de la tradition et des libertés basques. Comparez l’Arbre de Gernika au monument dessiné par cet ingénieur en détaillant les différences et les similitudes entre eux.

Palacio voulait fabriquer son monument avec le fer tiré des mines de Biscaye. Pourquoi ?

Pensez au symbolisme inhérent au fer. Avec quels autres matériaux pourrait-on selon vous construire ce monument ? Pourquoi ?

L’œuvre de Maneros Zabala est une installation à emplacement spécifique. L’artiste dessine le projet d’Alberto de Palacio, auquel elle a eu accès dans les archives, et le situe sur le mur de la salle d’exposition, dotant ainsi l’œuvre d’une nouvelle signification. Où placeriez-vous ce monument ? Pourquoi ?

Quelles autres idées peuvent surgir de la proposition de Maneros Zabala ?

Observez l’œuvre de Salaberria Sans titre, 2011 [de la série Inconscient/conscient (Inkontziente/kontziente), 2011–13]

L’artiste s’est inspiré de la bibliothèque Carlton, un design d’Ettore Sottsass. Renseignez-vous sur le meuble original sur Google (images).

S’il vous fallait décrire à quelqu’un ce qu’est la bibliothèque Carlton et l’aspect qu’elle a, comment la définiriez-vous ?

Observez et comparez l’œuvre de Salaberria avec la bibliothèque Carlton créée par Sottsass. Décrivez les caractéristiques d’une étagère conventionnelle. Puis comparez-les à celles du design de Sottsass et à la pièce de Salaberria.

Comment décririez-vous la création de Salaberria ? À quoi ressemble-t-elle le plus, à une sculpture ou à un meuble ?

À votre avis, comment devrait être un meuble ? Que se passe-t-il si un meuble n’est pas fonctionnel ? Ouvrez en classe un débat sur la compatibilité entre l’art et le design. Cherchez des informations sur le Bauhaus et le Mouvement Moderne et parlez de ses principes. Analysez en classe si le design moderne est adapté ou non aux besoins des usagers et, si oui, expliquez comment.