MUTATIONS

SALLE 207

Les facettes de l'espace sont, au cours des dernières décennies, devenues aussi innombrables que les données qui zèbrent l'air et, qui intangibles traversent nos maisons. Au fur et à mesure que les villes se développent verticalement, l'air s'épaissit à base de transmissions et réseaux. Le monde des objets, en même temps tangibles et lointains, semble se distancer au profit de leurs représentations. L'art contemporain se fait l'écho de cette situation complexe et menaçante ; il cherche à rétablir les liens entre les choses et la mémoire qu'elles cachent, en dessinant, pour ainsi dire, une archéologie du présent ; en explorant ses métamorphoses, ses combinaisons et ses possibles lieux.

Les œuvres exposées dans cette salle montrent une fluctuation constante sur le plan matériel et une spéculation radicale au niveau conceptuel. L'œuvre d'Ángela de la Cruz subit une mutation incessante de la toile, et tranche avec l’usage indiscriminé de tous les matériaux de Jean-Luc Moulène, dont les sculptures sont pétries de notions de topologie, de politique et d'histoire culturelle. Selon la même approche topologique, mais dans une démarche scientifique plus explicite, les œuvres d'Alyson Shotz cherchent à rendre visibles des phénomènes physiques tels que l'ondulation de l'espace-temps ou l'entrelacement des particules, tandis qu'Agnieszka Kurant utilise l’étonnante lévitation de ses météorites pour évoquer la convergence de la valeur artistique de l'air (depuis l'emblématique Air de Paris mis en bouteille de Marcel Duchamp de 1919). Dans les travaux sélectionnés de Pierre Huyghe et Asier Mendizabal, le vide et la mémoire s'enchevêtrent en deux types d'opérations. Le Gardien du Temps (Timekeeper) de Huyghe perce le mur de chaque espace dans lequel il s'installe pour dévoiler l'histoire de ses transformations scénographiques. Mendizabal, part lui du sujet d’Oteiza de l'Agoramaquia (lutte avec le vide) pour analyser les différents états d'un corps sculptural, couché ici et s’érigeant dans sa forme complète dans la salle 201 du Musée.