LES « CAGES » ET LA DÉLIMITATION DE L’ESPACE ; LA RUE ET LA PLACE

SALLE 207

En 1935 Alberto Giacometti s’éloigne du mouvement surréaliste et recommence à travailler à partir de modèles, entre autres avec son frère Diego et la modèle professionnelle Rita Gueyfier, qui posent pour lui au quotidien. Le sculpteur explore diverses techniques de modelage et passe d’une rigueur géométrique facetée à un travail plus expressif, qui le ramène à la peinture et à la réalité du modèle.

Dans les années 1940, pendant la Seconde Guerre mondiale, Giacometti commence à créer des figures longilignes, filiformes, au contour flou, qui suggèrent une figure humaine vue de loin. Il déclare que faire de grandes figures lui semble faux et que ce n’est qu’en les représentant allongées et stylisées qu’elles sont fidèles à sa vision de l’humanité.

Giacometti reprend le motif de la boîte au début des années cinquante dans de nombreux travaux de cette période comme Figurine entre deux maisons (1950). La boîte renvoie de façon graphique à différents concepts chers à l’existentialisme, comme le confinement, l’isolement ou l’angoisse liés au simple fait d’exister. Cette même idée sous-tend les « cages », un thème avec qu’il avait déjà expérimenté durant sa période surréaliste. Dans Le Nez (1947), la pointe perfore littéralement le cadre qui délimite l’œuvre pour ressortir à l’extérieur.

Dans La Forêt (1950), Giacometti réunit un groupe de figures longilignes, ancrées sur un socle évoquant l’image d’une forêt. Plantées comme des arbres, elles sont debout, proches entre elles mais sans toutefois se toucher. La relation entre ces figures se crée au travers de l’espace négatif au sein duquel elles cohabitent. Cette œuvre, ainsi que d’autres similaires, soit avec une seule figure, soit avec un groupe de figures, expriment les idées sur lesquelles porte la réflection de Giacometti à cette époque : la conviction de pouvoir se sentir isolé, y compris dans un espace bondé, comme dans la rue, sur une place ou dans un espace ouvert.