Exposée actuellement (Étang)

Fontaine de feu

1961Feu
Dimensions selon emplacement

Durant sa brève carrière artistique de sept ans, interrompue par sa mort prématurée en 1962, Yves Klein réunit un ensemble d'œuvres hétérogène et complexe du point de vue critique, qui anticipa une  grande partie de l'art des décennies postérieures, depuis l'Art Conceptuel jusqu'à l'art de la performance. Bien que Klein ait commencé à créer des toiles monochromes au milieu des années cinquante, il abandonna la spécificité de l'aspect pictural pour aborder l'art indépendamment de tout autre moyen ou technique particuliers. Klein, artiste postmoderne et en avance sur son temps, concevait l'art comme quelque chose d'invisible ; il composa la Symphonie Monoton Silence, il imagina une « architecture de l'air », présentait ses activités en public, passa à la photographie et commanda une « documentation » avec l'enregistrement de ses œuvres les plus éphémères. Son programme laissait à un second plan la technique particulière de l'artiste et se centrait davantage sur son habileté à capter la présence mythique d'œuvres en tous genres : « Un peintre doit peindre un seul chef d'œuvre : lui-même, constamment, et devenir ainsi une sorte de pile atomique, une sorte de générateur à rayonnement constant qui imprègne l'atmosphère de toute sa présence picturale fixée dans l'espace après son passage »[1].

Fontaine de feu (Fire Fountain, 1961) est le point culminant d'un projet que l'artiste n'eut jamais l'occasion de terminer durant sa vie. Lors d'une conférence à la Sorbonne en 1959, Klein parla du projet de sa vie, « une place publique d'une pièce d'eau sur laquelle danseraient des jets de feu au lieu de jets d'eau »[2]. Selon l'artiste, cette idée lui vint après avoir visité les fontaines et les bassins des jardins de style français du XVIIIe du Palais Royal de La Granja de San Ildefonso, ancienne résidence d'été de la monarchie espagnole à proximité de Madrid. Il s'imaginait remplaçant, à la surface des eaux paisibles de ces étangs, les élégants jets d'eau par des jets de feu éclatants, créant ainsi des sculptures de feu sur l'eau [3]. Il existe une série d'esquisses suggérant que Klein était déjà intéressé par la création d'une sculpture de feu en 1958–59 et l'un des premiers « brevets d'invention » que présenta l'artiste fait référence à des « jets mêlant l'eau et le feu dans un étang ». Lors de sa rétrospective exposée au Museum Haus Lange de Krefeld en 1961, un an avant sa mort, Klein connut le succès en réalisant une partie de son projet : un « mur de feu » fut érigé avec une cinquantaine de becs Bunsen alignés sur la pelouse située devant la villa de Mies van der Rohe alors qu'à proximité, une seule flamme très vive (ou « fontaine de feu ») jaillissait du sol.

Dans l'œuvre posthume de la Fontaine de feu exposée à Bilbao, un alignement de cinq fontaines de feu a été installé sur un bassin à l'extérieur de l'édifice de Frank Gehry. Les flammes alignées se reflètent dans les eaux calmes du bassin. Cette œuvre révèle l'intérêt de l'artiste pour le feu, l'un des « quatre éléments », selon la tradition ancestrale : en dehors de ces œuvres, Klein créa aussi en 1961 une série de Peintures feu, en utilisant un chalumeau sur des surfaces traitées avec des produits chimiques. Le feu — enzyme de la vie et facteur de civilisation, responsable de nombreux bienfaits et commodités, mais aussi de force destructive et de menace éternelle — est souvent associé à la mémoire et au culte des morts. Dépourvue de grandiloquence, La Fontaine de feu nous renvoie indirectement aux origines de la civilisation, et même au commencement du monde. En 1959, avant qu'aucun de ses projets de feu ne se soit matérialisé, l'artiste déclarait : « Le feu est pour moi l'avenir sans oublier le passé »[4].

Notes :
1. Yves Klein. Quelques extraits de mon journal en 1957. Dans : Klein. Le dépassement de la problématique de l'art. La Louvière, Belgique : Éditions Montbliart, 1959, p. 43-44.
2. Yves Klein. L'évolution de l'art vers l'immatériel. Dans : Klein. Vers l'immatériel. Paris : Dilecta, 2006, p. 67, p. 132–33 ; et Marie-Anne Sichère et Didier Semin. Éd. Le dépassement de la problématique de l'art et autres écrits. Paris : École Nationale Supérieure des Beaux Arts, 2003, p. 140.
3. Ibid.
4. Ibid.

Sources :
Denys Riout. Yves Klein. Dans : Colección del Museo Guggenheim Bilbao. Bilbao : Guggenheim Bilbao Museoa ; Madrid : TF Editores, 2009.
Nancy Spector. Yves Klein. Dans : Spector. Éd. Guggenheim Museum Collection: A to Z. 3ème rév. éd. New York : Solomon R. Guggenheim Museum, 2009.

Titre original

Fire Fountain

Date

1961

Technique / Matériaux

Feu

Dimensions

Dimensions selon emplacement

Crédit

Guggenheim Bilbao Museoa <br /><br />L'horaire est variable en fonction de la lumière du soleil au fur et à mesure que l'année avance. Elle est allumée pendant une heure, toutes les quinze minutes, et brûle durant une minute :<br /><br /> Novembre–février : de 18h30 à 19h30.<br /> Mars : de 19h30 à 20h30.<br /> Avril : de 20h30 à 21:30.<br /> Mai–juillet : de 21h00 à 22h00.<br /> Août–septembre : de 20h30 à 21h30.<br /> Octobre : de 19h30 à 20h30.<br />