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Trop tard pour Goya

1993Vidéo, son, figure sculptée en fibre de verre, écran de télévision, boite à rythme numérique spéciale et reproduction d’une gravure de Goya
Dimensions selon emplacement

L'artiste catalan-américain Francesc Torres jouit d'un prestige international pour ses installations multimédias, qui réagissent aux forces idéologiques, économiques et politiques qui composent notre monde. En utilisant différents moyens textuels — de la vidéo et la photo aux livres et œuvres audio de l'artiste, en passant par des montages provocateurs avec des éléments sculpturaux trouvés et fabriqués —, sa pratique basée sur une approche conceptuelle critique des événements historiques concrets et illumine des cycles d'agitation sociale. Bien que ses œuvres des années 1980 et 1990 puissent être comparées à celles d'autres artistes d'installations multimédias comme Gary Hill, Nam June Paik et Bill Viola, qui sont en dette avec les tendances formelles inhérentes à la performance et à l'Art Conceptuel et l'Art Processuel, Torres s'est distingué pour avoir composé des représentations d'événements historiques qui reconnaissent son désir de changement malgré la position fragile et vacillante qu'occupe le spectateur. Ses installations sont des laboratoires à idées, des lieux pour la réflexion et la recherche, et des milieux dans lesquels l'on peut mettre en doute les suppositions sur ce que nous considérons comme normal ou neutre dans les états politiques et psychologiques que nous vivons.

Trop tard pour Goya (Too Late for Goya, 1993) marque un moment crucial dans la carrière artistique de Torres, de par son amplitude épique, sa taille spectaculaire et son impact visuel. L'installation s'est développée comme une projection vidéo de six scènes tirées d'images d'informations historiques qui représentent ce que Torres considère les six événements politiques les plus importants du XXe siècle : la Révolution russe de 1917, la montée au pouvoir d'Adolf Hitler en 1933, la Conférence de Yalta de 1945, la proclamation de l'État d'Israël en 1948, le processus de décolonisation exemplifié dans la guerre de l'indépendance d'Algérie en 1963 et la montée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev en 1985. Pour chacun de ces événements, sont reproduites six secondes du matériel d'origine au ralenti pendant une demi-heure, tout d'abord projection avant et ensuite projection arrière, pour que les images semblent presque statiques. Face à ces six projections, se trouve une sculpture réaliste d'un chimpanzé assis sur une chaise en acier. Selon Torres, cet « heureux parent » des humains, avec son « regard innocent », observe « les traces des événements qui disparaissent progressivement et qui, tels des mouvements sismiques, ont traîné d'innombrables êtres humains, ont détruit des villes, ont ravagé des montagnes, ont déplacé des frontières et ont créé et effacé des croyances »[1]. Dans un coin de la salle, un téléviseur connecté à la chaîne d'informations CNN montre des informations sur des histoires actuelles. Finalement, l'installation comprend la gravure de Goya Monter et descendre (Subir y bajar), de la série Les Caprices (Los Caprichos, 1797–99), où, selon le texte qui accompagne le titre, « La fortune traite très mal celui qui l'honore. Elle paie avec de la fumée la fatigue de la montée et celui qui est monté, elle le punit en le précipitant ».

En imaginant les événements historiques avec des images mobiles projetées, Torres reconnaît le pouvoir du cinéma. Et, en plaçant l'histoire de la cinématique du XXe siècle en dialogue avec une gravure de Goya, il relie le passé à la réalité présente de la lutte et de la souffrance de l'être humain. L'artiste, comme s'il prétendait reconnaître son propre lien avec l'histoire, a inséré une image vidéo de lui-même dans la séquence de Yalta. Tout comme d'autres grands peintres figuratifs qui s'incluaient eux-mêmes dans des portraits de groupe ou dans des scènes de batailles, Torres se présente comme une figure d'autoréflexion au milieu de l'événement qui changerait l'Europe et le paysage dans lequel nous avons grandi.

Note :
1. Francesc Torres. The History Book of Persistent Forgetfulness (notes manuscrites en marge de la page). Dans Marilyn Zeitlin. Éd. Too Late for Goya : Works by Francesc Torres, Tempe, Arizona State University Art Museum, 1993, p. 74–77.

Source :
John G. Hanhardt. « Francesc Torres », Colección del Museo Guggenheim Bilbao, Bilbao, Guggenheim Bilbao Museoa ; Madrid, TF Editores, 2009.

Titre original

Too Late for Goya

Date

1993

Technique / Matériaux

Vidéo, son, figure sculptée en fibre de verre, écran de télévision, boite à rythme numérique spéciale et reproduction d’une gravure de Goya

Dimensions

Dimensions selon emplacement

Crédit

Guggenheim Bilbao Museoa