Dans ce Saviez vous que…?, vous trouverez à partir des questions posées, des informations sur les œuvres de Georg Baselitz exposées actuellement dans la salle 105 du Musée, qui incluent la série Les Héros, créée dans les années 1965─66; la série Remix, qui réinterprète en 2007─8 les mêmes thèmes des Héros; et une peinture de 1962 qui est à l’origine de tout cela, Champ (Acker), appartenant au Städel Museum. Nous avons par ailleurs sélectionné des contenus décrivant le contexte social, politique et culturel dans lequel ces créations furent conçues.
Vous pourrez aussi voir dans cette rubrique l’artiste lui-même dans un extrait du film que nous avons réalisé en 2010, motivé par l’exposition de l’œuvre de Baselitz qui fait partie de la Collection du Musée Guggenheim Bilbao, Madame Lénine et le Rossignol (2008).
1. Comment réagirions-nous en cas de guerre ? Comment réagirions-nous si nous étions des artistes ?
Baselitz est né en 1938 dans une Allemagne occupée par le Gouvernement nazi, et il vécut son enfance et son adolescence en pleine Seconde Guerre Mondiale (1939─1945) et après-guerre, autant d’expériences traumatisantes qui se reflèteront dans sa production artistique.
Après la capitulation, les nations alliées divisèrent le pays vaincu en quatre zones. Les États-Unis, la Grande Bretagne et la France prirent le contrôle des territoires d’Allemagne de l’Ouest ; et l’URSS, ceux d’Allemagne de l’Est.
Le pays fut scindé en deux systèmes politico-économiques et idéologiques totalement opposés : à l’ouest, le capitalisme de la République Fédérale Allemande, avec une économie de marché ; et à l’est, le communisme de la République Démocratique Allemande, avec une économie planifiée.
“Je suis né au milieu d’un ordre détruit, dans un paysage détruit, un peuple détruit, une société détruite. Et je ne voulais pas rétablir l’ancien ordre : cet ordre je l’avais trop vu”. Georg Baselitz
2. Quels sentiments et expériences nouvelles put vivre le jeune Baselitz en déménageant d’Allemagne de l’Est en Allemagne Occidentale ?
En 1956, Baselitz commença à étudier à l’Académie des Beaux-Arts de Berlin-Est, mais il fut expulsé par “son immaturité sociopolitique” ; en 1958, il finit par s’inscrire de nouveau aux Beaux-Arts mais cette fois à Berlin-Ouest. En quête de liberté, il découvrit une société divisée, dont la fracture devint encore plus évidente en 1961, avec la construction du Mur, qui pendant 28 ans scinda la ville en deux, jusqu’à sa chute de novembre 1989.
3. Si nous étions des artistes et si notre œuvre était remise en question, qu’éprouverions-nous ?
En 1963, l’ouverture de la galerie Werner & Katz, à Berlin ouest, fut marquée par une sélection d’œuvres de Baselitz, certaines d’entre elles jugées scandaleuses et immorales, comme La grande nuit foutue (1962─63), avec un pénis en érection de grande taille. Baselitz s’est toujours défini comme un artiste différent ; il se situe à contrecourant, en marge des modes, des idéologies, des styles ou des mouvements tels que l’Art Informel européen et l’Expressionisme Abstrait américain.
4. Quelle est la genèse des Héros ?
Comme en 1965 il bénéficia d’une bourse à Florence, à la Villa Romaine, Baselitz put étudier les chefs d’œuvres des maîtres maniéristes du XVIe siècle, notamment ceux qui avaient peint des corps nus, déformés, à petite tête, fruits de leur recherche. Les gravures de Giuseppe Maria Mitelli, qui avait documenté à la fin du XVIIe siècle les métiers de l’époque, lui servirent également d’inspiration. Cette expérience italienne fut pour son œuvre déterminante à cette période et tout au long de sa vie et le facteur déclencheur de sa série Les Héros.
5. Quelles couleurs et quels formats priment dans les œuvres qui constituent Les Héros et les Remix ?
En à peine une année, de 1965 à 1966, Baselitz peignit 60 peintures (toutes de même taille et aux tons gris et marron), 130 dessins et 38 gravures, un ensemble d’œuvres dénommées Les Types nouveaux, toutefois ce n’est qu’en 1973 qu’il les rassembla dans un catalogue, Peintures des Héros. Le cycle Remix date de bien plus tard, en 2007─2008, et se caractérisa par des tons plus froids et plus vifs.
6. Quel sens revêt pour vous le terme de héros ? Pouvez-vous citer des héros de différentes époques, de la période classique à maintenant ? Sont-ils des héros réels ou fictifs ?
Les Héros de Baselitz, créés il y a depuis plus de 50 ans, sont pensifs, vulnérables, blessés, perdus. Certains sont des pasteurs, des rebelles, des peintres ou des types nouveaux. La plupart revêtent des uniformes déchirés, sales, au ton triste, gris souris et ocre sépia, qui incarnent leur infortune. Ces héros baignent dans une atmosphère où prime la tension de l’après-guerre; ce sont des figures vulnérables, qui suintent d’agressivité et d’impuissance.
7. Pourquoi croyez-vous que la série des Héros a été suivie des Peintures fracturées ?
En 1966, Baselitz peint ses Peintures fracturées, où il retrouve le thème des héros, mais ce n’est plus le contenu qui l’intéresse, mais avant tout les formes et la perception des objets. Baselitz trace une division physique, réelle, qui sépare en deux ou trois pans horizontaux chaque toile et il les travaille de manière indépendante afin de créer une figure humaine dont le résultat final n’est pas nécessairement une figure unique.
8. Que nous évoque le mot Remix ?
Sept des œuvres exposées actuellement dans la salle 105 appartiennent à une autre série créée à partir de 2005, dénommée Remix. Dans cette nouvelle série, Baselitz a réinterprété les mêmes thèmes des Héros, mais en leur inculquant un air différent, une autre tonalité, en utilisant des couleurs plus vives et en exécutant ces peintures d’un geste plus rapide, quasi spontané. Remix est un terme actuel, qui, comme l’affirme l’artiste, “vient de la culture jeune”.
9. Quel est le titre de l’œuvre que le Musée Guggenheim Bilbao possède dans sa Collection et qui fait allusion aux dictateurs Lénine et Staline ?
Madame Lénine et le Rossignol (2008) est un ensemble de seize peintures à grand format qui fut achetée en 2010 afin qu’il rejoigne les fonds de la Collection du Musée Guggenheim Bilbao. Cette œuvre s’appuie sur la répétition de la même structure : deux figures masculines inversées, assises côte à côte, montrant leurs pénis, les mains posées sur leurs cuisses. Elle s’inspire du célèbre portrait d’Otto Dix Les parents de l’artiste II, datant de 1924. Comme c’est le cas dans nombre de ses peintures, Baselitz renvoie à une œuvre antérieure dans l’histoire de l’art, qu’il réinterprète à sa façon ; dans ce cas précis, il remplace les figures de la composition originale par les deux dictateurs, Lénine et Staline, qui têtes en bas sont représentés soit sur certaines toiles par des couleurs criardes, soit par des gris sur fonds blancs et noirs