Exposée actuellement (Salle 202)

L'érection matinale de Kathreiner

1969–79Acrylique, bois, technique mixte, collage encadré sur toile et textile
235 x 305 cm

Pendant plus de quarante ans, Sigmar Polke a créé une œuvre très complexe qui a donné forme à l'art de son époque. Avec ses peintures à « points » du début des années 1960, il inventa une image nouvelle et singulière de l'art allemand, un art principalement inspiré de l'abstraction gestuelle durant les années d'après-guerre. Dans ces premières œuvres, il imitait les écrans à points Benday (du procédé d'impression commercial), en appliquant soigneusement et à la main ce symbole graphique de la reproduction mécanique. La qualité artisanale qui en résulte et la reproduction des imperfections sur les négatifs de photos sur lesquels travaillait l'artiste introduisent cette impression de scepticisme qui distingue l'œuvre de Polke de celle des artistes du Pop Américain comme Roy Lichtenstein et Andy Warhol. En 1963, tandis qu'ils étudiaient à la Kunstakademie de Düsseldorf, Polke, Konrad Lueg et Gerhard Richter consolidèrent leur critique culturelle dans un style qu'ils définirent comme « Réalisme capitaliste », une référence ironique au Réalisme socialiste, style officiel soviétique, et une allusion à la transformation de l'objet d'art en article commercial dans la culture capitaliste.

Dans les années soixante-dix, Polke ralentit le rythme de sa production artistique pour pouvoir voyager en Afghanistan, au Brésil, en France, au Pakistan et aux États-Unis. Il réalisa dans ces pays une série de photographies et de films qu'il incorporerait ensuite à ses œuvres des années 1980. En utilisant des matériaux comme les tissus synthétiques transparents, les vernis colorés et les produits chimiques hydrosensibles mélangés à la peinture, Polke commence par s'affranchir des règles picturales en contestant leur aptitude à représenter la vie contemporaine. Nous trouvons un exemple de cette remise en question dans L'érection matinale de Kathreiner (Kathreiners Morgenlatte), avec sa composition stratifiée de tissus et d'images. La représentation d'un vulgaire intérieur domestique se détache sur un fond de tissus imprimés et d'images de journaux dans une métaphore formelle de la complexe superposition d'idées que nous trouvons dans le monde postmoderne. Pour accentuer sa « destruction » de la peinture de chevalet traditionnelle, Polke semble avoir découpé le bâti en bois en morceaux pour les éparpiller sur la surface de l'œuvre. En inversant son propre nom et en signant « Henri Matisse » en haut à droite, l'artiste ironise sur la prétendue nécessité d'inclure une signature reconnue de l'apogée de la modernité pour garantir l'authenticité et la valeur d'une œuvre artistique. Dans L'érection matinale de Kathreiner, Polke pose, à travers la conciliation d'une série complexe de références, une critique de la condition de l'artiste et l'impossibilité de maintenir une originalité soutenue dans l'art contemporain de la fin du XXe siècle.

Titre original

Kathreiners Morgenlatte

Date

1969–79

Technique / Matériaux

Acrylique, bois, technique mixte, collage encadré sur toile et textile

Dimensions

235 x 305 cm

Crédit

Guggenheim Bilbao Museoa